Une décision historique a été rendue hier par le Conseil d’Etat, saisi par Reporter Sans Frontière (RSF), demandant un meilleur contrôle de la chaîne Cnews dans ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information. L’Arcom avait déjà était saisie une première fois par RSF concernant les mêmes raisons, avant que le gendarme de l’audiovisuel rejette la demande. Quel impact a donc la décision du Conseil d’Etat rendue le 13 février 2024 concernant le rôle de l’Arcom ?
C’est une bombe médiatico-politique qui a été lâchée par le Conseil d’Etat le 13 février 2024 en milieu d’après midi dans sa décision de demander à l’Arcom de réévaluer dans les six mois à venir le respect par la chaîne CNews (chaîne du Groupe Canal+, filiale de Vivendi et propiété du milliardaire Vincent Bolloré) de ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information.
« Le Conseil d’État juge que, pour apprécier le respect par une chaîne de télévision, quelle qu’elle soit, du pluralisme de l’information, l’Arcom doit prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques« , décrit la décision rendue.
Que disent exactement les Sages du Conseil d’Etat ?
Les sages ont quand même rappelé que que CNews est bien une chaîne d’information qui « offre un programme réactualisé en temps réel couvrant tous les domaines de l’actualité« a indiqué le Conseil d’État. Il a même ajouté que l’Arcom n’avait à aucun moment fait preuve d’une quelconque indulgence coupable en épargnant la chaîne d’information du groupe Canal+. Ils en veulent pour preuve les amendes infligées par l’Arcom au groupe Canal+.
Suite à la décision de l’Arcom concernant CNews, Reporters sans frontières (RSF) ouvre un nouveau contentieux, soulignant que d’autres médias pourraient également être concernés. Cela inclut les chaînes et radios généralistes privées et publiques, adeptes de débats et d’informations. Le Conseil d’État souligne néanmoins que le manquement aux engagements ne peut être constaté instantanément. Dans ce cas spécifique, l’autorité de régulation a refusé de statuer sur les accusations d’immixtion dans la programmation de CNews, citant le manque de preuves précises fournies par le requérant. Cela pourrait rendre difficile, à l’avenir, la contestation des décisions pour les médias visés. Car les radios tant publiques que privées devraient, elles aussi, être concernées en toute logique.
Une mission (quasi) impossible que l’Arcom a six mois pour remplir
Dans une intervention pour Le Figaro, un juriste spécialisé précise : « Le constat de l’Arcom doit se faire non seulement au regard d’un programme donné, mais également au regard de l’ensemble de ses conditions de fonctionnement et des caractéristiques de sa programmation. Le contrôle doit être plus large qu’une seule séquence inféodée à l’actionnaire. »
L’Arcom a six mois pour trouver un moyen de se plier aux décisions rendues par les Sages. Mais dans quels périmètres et à quelle fréquence ? Où placer le curseur politique sur une prise de parole d’un chroniqueur ou d’un invité en fonction du thème ou du sujet ? Un vrai casse-tête les attend.
Hanouna dénonce « une dictature de la pensée » par « des donneurs de leçon«
Cyril Hanouna a pris la parole dans son émission TPMP après la décision rendue par le Conseil d’Etat le 13 février 2024. Le présentateur vedette de C8, autre chaîne du groupe Canal+, elle aussi souvent rappelée à l’ordre par l’Arcom, n’a pas mâché ses mots. D’autant que pour l’animateur, la vraie raison serait que « C8 et Cnews font peur à cause de leur succès ». Il est vrai que les audiences de C8 sont bonnes et que Cnews dépasse souvent largement sa concurrente jusque là leader incontestée des chaînes info : BFMTV.
Cyril Hanouna, animateur de « Touche pas à mon poste« , a vivement défendu la chaîne d’information CNews et le groupe Canal+ en réaction à la demande de renforcement du contrôle éditorial émanant du Conseil d’État. Hanouna qualifie les critiques du Conseil d’État de « donneurs de leçon », estimant qu’ils limitent la liberté d’expression à ceux qui sont d’accord avec eux et tentent d’évincer ceux qui ne suivent pas la ligne éditoriale établie.
Cette nouvelle mission doit-elle se limiter aux chaînes télé ?
Mais le problème n’est-il pas trop ciblé ? Car au delà des chaînes de télévision, l’Arcom (l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) qui surveille aussi le digital en tant que « gendarme audiovisuel et numérique » ne devrait-elle pas, dans ce cas, décompter aussi le temps de parole sur les réseaux sociaux audiovisuels tels que YouTube ou Twitch ? De plus, de nombreux programmes se sont développés sur ces plateformes numériques, tournant autour de la politique, invitant autant les acteurs de la vie politique de notre pays que des chroniqueurs au parti pris souvent affiché. A l’heure où la communication et la parole politique sont avant tout affichées sur les réseaux sociaux, le problème est-il vraiment gérable ? L’Arcom dispose de six mois pour rendre sa copie au Conseil d’Etat.
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